Bret, une ferme verte qui nous fait voir la vie en rose
Le succès d’un choix d'élevage respectueux du vivant

Chez les Bret, on ne fait plus la pelèra. Pour cause, le cochon, ils en ont fait leur métier. Depuis quinze ans, leurs porcs gambadent joyeusement sur les côteaux boisés de Lasclaveries. Leur viande, savoureuse, vendue en direct, est devenue une fierté familiale. Rencontre avec un père audacieux qui a redonné vie à l’élevage porcin en plein air et un fils qui fourmille d’idées pour faire évoluer l’exploitation.
Le soleil bas de l’hiver joue à cache-cache derrière les arbres qui longent le chemin de Baziet. Entre les branches dénudées, on peut apercevoir des petites taches roses mouvantes, seule couleur dans le paysage endormi de janvier. Oui, ce sont bien des cochons qui s’épanouissent librement dans la prairie ! Au sommet de la côte, la ferme Bret veille sur le cheptel. Héritiers d’une famille de fermiers depuis douze générations, Alain, sa femme Véronique et son fils Nicolas, orchestrent brillamment et amoureusement l’élevage plein air de leurs porcs.

Le porc fermier des sous-bois béarnais
Depuis quinze ans, cette exploitation familiale incarne l’équilibre parfait entre tradition et modernité. En 2010, Alain a su oser une agriculture éthique et respectueuse, tant de l’animal que de l’éleveur et du consommateur. Son fils Nicolas se souvient des premières années, alors qu’il n’était qu’un adolescent. Son père, pionnier dans son approche, expliquait sur les ondes de France Bleu, pourquoi l’élevage en plein air était une évidence. Et cela se résumait en une phrase :
« J’avais envie de vendre ce que moi j’accepterais de manger. »
Ce choix d’élevage en liberté, intimement lié au sol et très dépendant de la météo, nécessite beaucoup de surveillance car les porcs sont des animaux fragiles, qu’on se le dise ! Mais Alain est convaincu : le bien-être des porcs élevés en plein air se ressent dans leur goût unique. « Remettre l’animal dans ses conditions de vie d’origine, c’est produire une viande de qualité », répète-t-il à l’envi avec une foi inébranlable. « En vivant en liberté dans nos sous-bois et sur nos prairies, les cochons ont le temps de faire du muscle, des os solides et du bon gras. Ils sont en bonne santé parce qu’ils trouvent tout ce qu’il faut dans la terre. »
Il faut dire que cette idée de reconversion paraissait un peu folle il y a quelques années. La mode était alors au porc noir et au porc bio. Alain lui a un autre crédo : offrir la meilleure qualité pour un maximum de bourses, exclusivement en circuit court et en s’adaptant aux évolutions des modes de consommation. Il ne produit plus ce qu’il appelle du porc « lourd » mais privilégie désormais des individus de 130 kg maximum, offrant des morceaux plus petits. Ses clients préfèrent consommer moins, mais privilégier une viande de meilleure qualité. Un équilibre gagnant-gagnant.
Quinze ans après ses débuts, il y a la réalité du terrain : le produit est servi dans les écoles locales et cela le rend heureux et fier. Aujourd’hui, ses convictions sont partagées par son fils. Ensemble, ils travaillent main dans la main pour perpétuer cet engagement envers le respect de l’animal et du consommateur. À ses côtés depuis 2018, Nicolas prépare la ferme aux défis de demain et œuvre à intensifier les liens entre ville et campagne. Fervent partisan de la vente directe, il puise son énergie dans les rencontres avec les clients. Il conseille, informe, renseigne… Avec la passion qui l’anime et l’envie de la partager.

Respect du (bon) vivant : une tradition béarnaise
« Tout doit être préservé : la terre, les arbres, les animaux mais aussi nous-mêmes. »
Alors qu’ils ne représentent que 5% des élevages porcins en France, les élevages en plein air sont nombreux en Béarn. Ils sont caractéristiques d’une pratique bien ancrée qui allie la préservation de notre terroir et le bien-être animal. À la ferme Bret, les porcs disposent d’environ 10 hectares de parcours soigneusement clôturés autour de la ferme, bientôt étendus à 15, soit la moitié du foncier de l’exploitation familiale.

Les sous-bois des versants offrent de l’ombrage en été, indispensables pour protéger la peau fragile des cochons contre les coups de soleil et de chaleur. C’est aussi un formidable terrain de jeux gourmands, propice à la nature fouineuse des porcs, leur permettant de se nourrir de champignons et de racines. Nuit et jour, ils profitent de leur liberté, tout en disposant d’abris paillés en cas d’intempéries. Mais ne vous y trompez pas : ils demandent une surveillance de tous les instants et des soins quotidiens.
Ainsi, la ferme est une mosaïque qui vit au rythme des saisons : chaque parcelle raconte une histoire d’harmonie entre l’animal et son environnement. Sous les arbres, les porcs creusent et explorent en groupe. Sur les prairies, ils disposent d’espace pour courir et jouer. Cette liberté leur permet de développer des muscles solides et un gras persillé, caractéristique des viandes d’exception. « C’est un équilibre précieux mais fragile », souligne le duo père-fils. « Pour respecter les cycles naturels du sol, chaque parcelle alterne entre deux ans de parcours et une période de jachère ou de couvert végétal. »
Dans l’exploitation, les porcs ne dépassent pas la densité maximale réglementaire, loin de là ! « C’est une garantie de leur bien-être et ça limite aussi l’impact environnemental », se félicite Nicolas. Les animaux sont nourris à base de céréales sans OGM, provenant notamment de Vic-en-Bigorre, dans les Hautes-Pyrénées
Pour Alain et Nicolas, chaque journée est l’occasion de vivre leur passion à travers les gestes du quotidien. Nourrir les porcs, préparer les marchés ou livrer les commandes sont autant de moments où s’expriment leur attachement à leur métier et leur fierté de partager une viande unique. « Quand un client me dit qu’il retrouve le goût d’antan, c’est la meilleure récompense », déclare Nicolas avec émotion.
La plupart de ces pratiques, renouvellent les usages en puisant dans des valeurs traditionnelles. Elles réinventent un modèle d’élevage qui respecte les cycles naturels et le bien-être animal, tout en répondant aux défis de notre époque.
Circuit court et produits du terroir : une fierté familiale

Le quotidien à la ferme Bret est rythmé par une multitude de tâches. Alain, Nicolas et Véronique se partagent les rôles. Alain gère les soins des porcs, les rotations des parcs et les aspects administratifs. Nicolas s’occupe de la vente directe et des livraisons, tandis que Véronique participe activement à la préparation des commandes et à la tenue des marchés. Ainsi, du lundi au dimanche, dès l’aube et parfois jusqu’à tard le soir en été, toute la famille s’active pour s’occuper de l’élevage tout en s’assurant que leurs produits soient livrés au plus près des gourmands béarnais. Cette organisation millimétrée leur permet de proposer des produits frais, transformés chaque semaine.
Rendez-vous compte : près de 90 % de la production de la ferme Bret est vendu localement, directement sur les marchés de Gan, Jurançon et Serres-Castet, dans des cantines scolaires et chez de fidèles restaurateurs qui mettent leurs produits à la carte.

La ferme travaille étroitement avec la Maison du Jambon à Arzacq-Arraziguet pour le conditionnement de ses produits. Ils intègrent dans leurs préparations des spécialités locales comme les incontournables sel de Salies-de-Béarn. À ce sujet, Nicolas, passionné d’histoire locale, aime raconter l’anecdote du jambon de Bayonne : « Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le jambon de Bayonne n’est pas exclusivement basque ! Il doit seulement son nom au port où il transitait autrefois, mais il est fabriqué avec du sel de Salies-de-Béarn. Une preuve supplémentaire de l’ancrage béarnais de ce produit !».
Parmi les produits de la ferme, on trouve le pâté au piment d’Espelette ou encore le sauté de porc au Jurançon. Et bien évidemment, le boudin béarnais « comme on le faisait autrefois dans les campagnes », explique Nicolas.
Mais aux yeux d’Alain, leurs produits phares, ce sont plutôt les produits simples et gourmands qui se consomment au quotidien : la chipolata, le jambon blanc. Et ce quotidien n’a rien de banal aux yeux de Nicolas : « Voir des habitués revenir chaque semaine pour acheter nos produits, c’est une immense satisfaction. Ils viennent chercher un goût, une qualité, mais aussi une histoire. On leur vend bien plus qu’une chipolata. On leur offre une connexion avec nos valeurs et notre travail quotidien. »
Cette connexion se prolonge avec des restaurateurs locaux, comme Chez Julien à Thèze ou la rôtisserie Haute-Plante à Pau, qui mettent en avant les produits de la ferme dans leurs menus. Une fidélité que Nicolas apprécie particulièrement : « Nous sommes fiers de voir nos produits servis dans ces lieux. C’est la reconnaissance de notre travail et de la qualité de notre viande ».

Les Bret, une histoire d’avenir
Dans la famille Bret, l’élevage est une histoire de transmission. Quand Nicolas rejoint l’exploitation en 2018, il a alors 23 ans et déjà des idées plein la tête. Pour lui, l’avenir passe par une agriculture plus résiliente. Aujourd’hui, il cherche à diversifier les cultures, planter des arbres pour ombrager les porcs et réduire la dépendance au maïs. Autant de projets pour répondre au changement climatique tout en préservant la biodiversité et pérennisant les revenus de la ferme.
Dès 2025, la ferme prévoit d’augmenter sa production, dans le respect de l’équilibre de l’écosystème local. Alain partage ses souvenirs avec une pointe de nostalgie : « Quand j’ai commencé, beaucoup voyaient l’élevage en plein air comme une folie. Aujourd’hui, préparer mon fils à prendre le relais et continuer cette aventure me remplit de fierté. »
Mais Nicolas voit plus loin encore. Son rêve : aménager des espaces dans la ferme pour accueillir les scolaires et organiser des visites pour le public. Autant d’initiatives qui permettraient de montrer concrètement ce que représente un élevage respectueux et sensibiliser aux enjeux du 21e siècle en termes d’agriculture durable. « Les gens ne savent plus d’où vient leur nourriture. Je veux leur donner les clés pour comprendre et apprécier la valeur d’un cochon élevé en plein air », explique t-il avec passion.
Le futur commence aujourd’hui à la ferme Bret !

Cuisine et dépendance : le coin des recettes
Quand on leur demande une recette, les Bret sont unanimes. « Notre viande se suffit à elle-même. Pas besoin de la masquer avec des sauces compliquées. Un simple assaisonnement de sel et de poivre suffit pour révéler le goût authentique du porc élevé en plein air. », résume Alain.
Nicolas, lui, partage volontiers des astuces pour magnifier leurs produits : « Je conseille généralement à mes clients de sortir la viande du réfrigérateur 20 minutes avant de la cuire. Il faut la laisser reposer à température ambiante pour qu’elle révèle tous ses arômes. Et si la viande colle à la poêle, ne la détachez surtout pas ! Elle se décollera d’elle-même en libérant tous ses sucs. »
Et Alain ajoute en riant : « L’avantage du porc, c’est qu’on peut le consommer toute l’année : l’hiver pour accompagner la raclette et l’été à la plancha ! »

Joue de porc « à la Bret » (comptez 2 morceaux pour les gourmands) : coupez la joue en portefeuille, ajoutez de l’ail haché, assaisonnez d’une pointe de sel (de Salies-de-Béarn, évidemment !) et d’un peu de romarin, faites cuire doucement chaque face. Dégustez et profitez !
Le secret des Bret, les 3 T : Tradition, Terroir et Transmission
La ferme Bret illustre parfaitement comment le Béarn sait puiser dans ses racines pour bâtir son avenir : le respect profond des traditions agricoles allié à une approche innovante et durable. En combinant ces deux dimensions, elle offre un modèle d’élevage qui inspire confiance et fierté.
Grâce au circuit court et à la vente directe, la famille Bret rétablit un lien essentiel entre producteur et consommateur. ils contribuent à mettre en lumière des pratiques respectueuses des animaux et de la nature… mais aussi des hommes et des femmes passionnés !
À travers leur travail, les Bret démontrent qu’un modèle d’élevage éthique et soutenable est possible. Leur réussite repose aussi sur la reconnaissance et le soutien des consommateurs.
En choisissant le circuit court, chacun peut devenir un acteur du changement, tout en savourant des produits de qualité et en redonnant du sens à ses choix alimentaires. Alors, la prochaine fois que vous croisez un producteur au marché, ayez une pensée pour la famille Bret et à tous ces agriculteurs engagés qui réinventent notre lien à la terre. A vos fourchettes !
